Témoignages de guerre  1939 / 1945

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J’ai décidé de réaliser un reportage sur ce thème une certaine nuit de 2013. Je pensais à mon père, me remémorant nos conversations où il évoquait son enfance et le début de sa vie adulte en Algérie, le tout émaillé d’anecdotes donnant à l’ensemble une tonalité pittoresque et gommant totalement l’aspect dramatique d’une époque qui l’avait pourtant, aussi, été.

En 2006, à l’issue d’un repas, la veille de mon retour chez moi, où il nous avait émerveillés par ses talents de conteur, j’ai convenu avec lui de l’interviewer lors de ma prochaine visite. Ce projet a disparu dans le néant avec lui dans les semaines qui ont suivi, me laissant désemparé et habité par le sentiment aiguë de l’irréversibilité des choses, de l’urgence de témoigner et de faire témoigner des expériences fondamentales de notre histoire, individuelle comme collective.

Ce drame, que nous sommes tous amenés à traverser un jour, a été fondateur, et a changé mon regard sur le monde. Je voulais, je devais transmettre, pour moi, pour lui, pour mon fils, et au-delà, pour l’ensemble. Créer du lien en ces temps où tant se rompent, nous laissant seuls, perdus, alors qu’il y a tant avant et que nous oeuvrons majoritairement pour qu’il y ait tant après. Reconnecter la filiation individuelle autant que collective, pour donner tout son sens au présent, et nous élancer de manière plus avisée vers le futur. Et ainsi donc, ne pas prendre pour acquis les batailles essentielles de nos ainés, gagnées au prix de leurs vies de manière réelle et/ou symbolique, ce qui serait à cette heure de notre Histoire, une inconscience lourde de conséquences.

J’ai abordé chacune des personnes qui ont témoigné de la même manière, et  bien sûr chaque rencontre a été unique; c’est un film intime à chaque fois,  chacun a le sien, avec ses émotions propres et ses résidus douloureux impossibles à partager mais qu’ils se sont courageusement efforcés d’exprimer malgré tout. Je ne suis que très peu intervenu, les laissant dérouler le fil de leurs souvenirs, libérés par l’absence de lien affectif entre nous les autorisant à parler sans craindre de choquer. 

Au crépuscule de leurs vies, cette opportunité a été celle de laisser  une trace de cette Histoire que longtemps après leur retour on leur a enjoint de taire. 

Cela a été pour moi l’occasion de réflexions profondes et dérangeantes, de rencontres bouleversantes et magnifiques.

De ce travail aujourd’hui abouti, me reste l’empreinte d’une aventure humaine dans ce qu’elle peut offrir de plus merveilleux, et une profonde gratitude, née de la conviction d’avoir eu un privilège rare.