Série Safety ?

La Série Safety : Une Histoire de Polaroïd



D’où vient le nom "Safety" ?


        "Safety" puise ses racines dans les Polaroïds numérotés qui ont jalonné mes débuts professionnels, une période fondatrice dont les souvenirs restent gravés en moi. À cette époque, dans les années 80, je travaillais dans une usine de moteurs diesel, au cœur d’un laboratoire de recherche et développement. Mon quotidien se déroulait entre des bancs d’essai ronronnants et des calculs précis, dans une atmosphère où la mécanique régnait en maître. Juste à côté, un laboratoire métallurgique voisin opérait comme une sorte de détective des matériaux : il analysait des pièces défectueuses, traquant les failles invisibles à l’œil nu. Chaque expertise était une enquête minutieuse, où rien n’était laissé au hasard.

C’est là qu’intervenaient les Polaroïds, manipulés avec soin par Michel, un collègue et ami de travail dont le rôle était aussi crucial que discret. Armé de son appareil, il immortalisait chaque défaut — une fissure dans un alliage, une usure anormale, un point de rupture — sur ces petits carrés de film instantané. Chaque cliché portait un numéro unique, griffonné à la main, et était contresigné par un expert de la partie adverse, souvent un représentant du fournisseur ou du client. Ce rituel, presque solennel, scellait une sorte de pacte visuel : une garantie d’objectivité et d’honnêteté entre les deux camps. Pas de place pour la triche ou les approximations ; tout était consigné, vérifié, sous contrôle. Ces Polaroïds, jaunis par le temps, devenaient des preuves tangibles, des archives d’une rigueur implacable.

Cette série, "Safety", est bien plus qu’une simple collection d’images. C’est un clin d’œil intime à cette première carrière dans l’industrie métallurgique, une époque où la précision et la discipline forgeaient mes journées. Je revois encore l’odeur d’huile et de métal, le bruit sourd des machines, et les discussions avec Michel sur la meilleure façon de cadrer une pièce abîmée pour que tout soit clair au premier regard. "Safety" incarne cette quête de fiabilité, ce besoin de sécurité technique qui définissait notre travail — un hommage à ces moments où chaque détail comptait, où chaque défaut racontait une histoire. Ce projet, c’est ma manière de saluer ce passé, de rendre vie à ces instants qui, sans que je le sache alors, ont façonné l’homme et le créateur que je suis devenu.

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L’Art du Hasard : Un Filtre d’Ocre Né d’un Soir



La Petite Chronique d’un Soir Granuleux


    L’idée d’intégrer un effet granuleux, teinté d’ocres et de rouges, dans mes images est née d’un heureux hasard, un soir après une longue journée de travail. Nous étions au milieu des années 90, une époque où la photographie argentique régnait encore en maître dans mon univers créatif. Ce soir-là, je m’étais installé dans mon laboratoire improvisé – en réalité, ma salle de séjour transformée pour l’occasion – pour réaliser des tirages que j’avais réalisé lors de mon dernier voyage dans les caraïbes, j’avais amené quelques rouleaux de pellicule diapositives. J’utilisais a l’époque un agrandisseur IFF Ampliator Color S2 13x18, un appareil robuste et précis, et je travaillais pour la première fois avec le procédé Cibachrome, connu pour ses couleurs vibrantes et sa fidélité exceptionnelle. La pièce était plongée dans une obscurité presque totale, les seules lueurs provenaient des reflets fugaces de la lumière rouge de sécurité, à peine perceptibles. J’ai éteint la lampe inactinique — une condition essentielle pour ce type de développement. j’ai disposé une feuille de papier photosensible sous l’agrandisseur, prêt à capturer l’image projetée. Puis, par hasard, ma main a effleuré une plaque de verre posée là, sur ma table de travail, sans que je me rappelle l’y avoir placée – un objet encombrant dont je ne savais que faire — m’a gêné. Sans trop y réfléchir, je l’ai simplement posée sur la feuille de papier, me disant que je verrais les effets sur le tirage. J’ai procédé au tirage dans le noir complet, suivant les étapes habituelles : exposition, développement, rinçage à l’eau, blanchiment, fixage, lavage à l’eau. Une fois le processus terminé, j’ai retiré la plaque de verre, un peu sceptique mais curieux de voir ce que cela donnerait. Je me suis dit : « On verra bien. » Quelques minutes plus tard, lorsque l’image bien fixé a émergé, j’ai été surpris par le résultat. Sur le tirage, des taches de couleur orangées et rougeâtres, irrégulières mais étrangement harmonieuses, parsemaient la surface. En examinant la plaque de verre à la lumière, j’ai compris : elle était couverte de résidus – des éclaboussures de café séché, des traces de doigts, peut-être même quelques salissures indéfinissables accumulées au fil du temps. Ces imperfections, en interagissant avec la lumière de l’agrandisseur, avaient laissé leur empreinte sur le papier, créant un effet visuel inattendu mais fascinant. Loin de considérer cela comme un défaut, j’y ai vu une opportunité. Cet accident m’a inspiré une nouvelle approche créative. J’ai décidé d’explorer et de perfectionner cette technique. J’ai commencé à expérimenter avec différentes plaques de verre, que j’ai intentionnellement marquées de textures variées : gouttes de café diluées, traits de peinture diluée, poussières savamment disposées, ou encore frottements légers pour obtenir des granulations subtiles. Chaque plaque devenait une sorte de filtre artisanal, unique en son genre. J’ai multiplié les essais, ajustant la durée d’exposition et la disposition des plaques pour obtenir des effets plus ou moins prononcés, jouant avec les teintes chaudes – ocres, rouges, parfois des touches de brun – qui donnaient à mes images une patine presque picturale. Avec l’arrivée de la photographie numérique dans les années suivantes, j’ai poussé cette idée encore plus loin. J’ai numérisé mes plaques de verre préférées, capturant leurs motifs et leurs textures avec un scanner haute résolution. Ces fichiers sont devenus des calques que j’intègre désormais comme filtres dans mon logiciel de retouche photo. Appliqués sur mes images numériques, ils recréent cet effet granuleux et coloré qui évoque à la fois la spontanéité de l’accident originel et la richesse esthétique de l’argentique. Ce procédé, né d’un moment d’improvisation dans mon salon-labo, est devenu une signature, une manière de lier mon passé de tireur argentique à mon présent de créateur numérique.


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