Bâtiment S.A.C.M.

    Les bâtiments de la Société Alsacienne de Construction Mécanique (S.A.C.M.), érigés pour la plupart entre le début du 19 siècle et les premières décennies du 20, se dressent comme des témoins silencieux d’une époque révolue. Leurs murs, un assemblage robuste de briques rouges et de béton brut, forment un labyrinthe dans lequel le temps semble s’être figé. En arpentant ces dédales, je ne peux m’empêcher de laisser mon esprit vagabonder, imaginant les innombrables silhouettes qui ont jadis foulé ces mêmes allées. Ouvriers aux mains calleuses, ingénieurs aux regards concentrés, contremaîtres pressés — tous ont laissé une empreinte invisible dans l’air saturé d’histoire. Certains de ces édifices portent encore des noms qui résonnent comme des échos d’un passé industriel glorieux : la Cathédrale, avec ses voûtes imposantes qui évoquent une nef sacrée ; le bâtiment de la cloche, dont le tintement métallique paraît encore vibrer dans les mémoires ; ou encore la Fonderie, où le feu et l’acier se sont autrefois mêlés dans une danse incandescente. Quand j’ai réalisé ces photographies en 1995, y avait encore quelques inscriptions en calligraphie gothique, quand l’Alsace était sous le régime de l’Empire allemand. Ces lieux, bien que figés dans le silence aujourd’hui, paraissent toujours habités, comme si les murmures des anciennes machines et les pas des travailleurs continuaient de hanter leurs recoins sombres.

Et puis, une étrange impression s’empare de moi, une sensation presque irréelle qui flotte dans l’air comme une brume légère : ces bâtiments, avec leurs silhouettes massives et leurs ombres étirées, semblent tout droit sortis d’un décor de cinéma muet, figés dans une esthétique expressionniste. Au détour d’une coursive usée par le temps ou dans l’encadrement d’une fenêtre brisée, je peux quasiment entrapercevoir Robert Wiene, le visionnaire torturé, orchestrant les angles tordus et les jeux de lumière oppressants de Docteur Caligari, ses personnages évoluant comme des spectres dans un cauchemar géométrique. À ses côtés, Fritz Lang, maître allemand de l’image en noir et blanc, apparaît avec son imposante caméra, qu’il dirige avec une précision obsessionnelle, capturant chaque détail dans une symphonie visuelle où l’ombre et la lumière se disputent la vedette. Dans mon esprit, ces lieux se transforment en plateaux grandeur nature pour ses chefs-d’œuvre mythiques. Ici, les lignes géométriques et les perspectives écrasantes rappellent la ville futuriste de Métropolis, où des foules anonymes se meuvent sous le joug d’une mécanique implacable. Là, l’atmosphère lourde et mystérieuse semble tout droit sortie de Docteur Mabuse, avec ses intrigues ténébreuses tapies dans l’ombre. Plus loin encore, une ruelle étroite bordée de murs noircis par le temps pourrait accueillir les errances tragiques de M le Maudit, où chaque craquement, chaque jeu de lumière devient une menace diffuse. L’ambiance qui se dégage de ces bâtiments industriels désaffectés est étrangement similaire à celle des films de Lang et Wiene : un mélange de grandeur austère, de mélancolie pesante et d’une tension sourde, comme si chaque pierre portait en elle une histoire prête à être racontée, ou un secret à jamais enfoui.

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